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Contrat d'agent commercial :
Revue sommaire des points clés

Par

Sala-Martin Avocat - Octobre 2021

1. Statut de l’agent commercial – objet et nature de son activité.

Le statut de l’agent commercial est régi par la loi du 25 juin 1991 (intégrée sous les articles L. 134–1 et suivants du code de commerce) résultant de la transposition de la directive communautaire n°86/653 du 18 décembre 1986.

L’agent commercial peut être une personne physique ou une personne morale, quelle que soit sa forme sociale. Son activité est de nature civile et non commerciale.

Suivant l’article L. 134–1 du code de commerce, l’agent commercial est un mandataire indépendant, en charge « de négocier et, éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux… ». L’activité de l’agent commercial est civile et non commerciale.

En cas de contestation de l’existence d’un mandat d’agent commercial, il incombe à l’agent de prouver qu’il exerce bien un mandat dans le respect de l’article L. 134-1 précité et qu’il dispose notamment du pouvoir de négocier. A cet égard, une jurisprudence constante considère que « …l’application du statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée »(1).

En vertu d’un arrêt de principe du 4 juin 2020(2), la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) est venue opportunément préciser le sens que revêt le terme « négocier » et la substance du mandat d’agent commercial :

  • « il ressort (…) de la directive 86/653 que les tâches principales d’un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants. »,

  • « …l’accomplissement de ces tâches peut être assuré par l’agent commercial au moyen d’actions d’information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l’opération de vente de marchandises pour le compte du commettant » et ce « sans que l’agent commercial dispose de la faculté de modifier les prix desdites marchandises ».

Cette décision a remis en cause la jurisprudence de la Cour de cassation qui considérait que la fixation des prix constituait une condition nécessaire du mandat d’agent commercial.

En outre, l’on peut raisonnablement considérer à la lecture de cet arrêt de la CJUE que l’agent commercial n’est pas tenu – sauf disposition contractuelle spécifique - de déterminer les conditions contractuelles de l’opération de vente, ce qui semble en effet distinct des « actions d’information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l’opération de vente ».

Dans un premier temps, la Cour de cassation s’est contentée uniquement de reconnaître que la fixation du prix ne conditionnait pas la qualité d’agent commercial, aux termes d’un arrêt du 2 décembre 2020(3).

Puis, elle a finalement rendu plusieurs arrêts confirmant l’abandon de sa jurisprudence antérieure,

  • aux termes de ses arrêts des 12 mai 2021(4) et 23 juin 2021(5), la Cour de cassation a expressément repris la définition de la mission de l’agent commercial donnée par la CJUE, et ajouté « qu’il n’est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant pour être agent commercial »,

  • dans son arrêt du 16 juin 2021(6), la Cour a estimé qu’en se fondant sur « l’impossibilité pour M. de négocier les prix et les termes des contrats » pour dénier le statut d’agent commercial, la Cour d’appel de Pau avait violé l’article L. 134-1 du Code de commerce.

La Cour de cassation reconnaît ainsi clairement que la mission de l’agent commercial est bien de développer la clientèle du mandant, mais qu’il n’est pas tenu de fixer ni les prix, ni les conditions contractuelles des opérations conclues avec les clients du mandant.

A toutes fins, il est rappelé que l’agent commercial ne pourra se prévaloir de cette qualité que s’il détient à la fois ce pouvoir de négociation et le pouvoir de représentation qui lui permet d’agir pour le compte de son mandant.

Au titre des formalités administratives, l’article R. 134-6 du Code commerce impose aux agents de se faire enregistrer sur un registre spécifique tenu au greffe du Tribunal de commerce. En théorie, le manquement à cette obligation est passible d’une contravention de 5e classe, mais elle n’est a priori jamais appliquée en pratique.

2. Contrat a durée déterminée ou indéterminée

Le contrat peut être verbal ou écrit.

Si le contrat est à durée indéterminée, il doit être résilié dans le respect d’un préavis minimum qui est d’ordre public et qui est défini à l’article L. 134-11 du Code de commerce : « La durée du préavis est d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes ».

Il sera également noté que le contrat à durée déterminée qui se poursuit au-delà de son terme se transforme en contrat à durée indéterminée (article L. 134-11 du Code de commerce).

3. Indépendance

Conformément au principe d’indépendance, l’agent commercial est libre d’organiser son activité comme bon lui semble et ne doit pas avoir de lien de subordination à l’égard de son mandant, contrairement à un employé de ce dernier. A défaut, le contrat d’agence pourra être requalifié en contrat de travail – avec les conséquences que cela entraîne.

L’agent commercial peut agir pour plusieurs mandants, sachant cependant qu’il ne peut accepter la représentation une entreprise concurrente de celle de l’un de ses mandants existants (article L. 134-3 du code de commerce).

4. Exclusivité

L’agent commercial peut bénéficier dans son contrat d’une exclusivité territoriale ou sur les produits qu’il représente.

5. Période d’essai

Une question s’est longtemps posée à propos de la validité d’une période d’essai insérée dans le contrat et de la possibilité d’échapper au paiement de l’indemnité de rupture (prévue à art. L. 132-12 du Code de commerce), si celle-ci intervient durant la période d’essai.

L’article L. 132-16 du Code de commerce répute « non écrite » toute clause ou convention contraire à l’article 134-12 précité, ce qui laisserait penser que l’indemnité de rupture est due, y compris en cas de cessation du contrat durant la période d’essai.

Cependant, la Cour de cassation s’était prononcée le 23 juin 2015 en faveur de la validité de la période d’essai(7), estimant que l’indemnité compensatrice n’était pas due à l’agent en cas de cessation du contrat durant la période d’essai, dans la mesure où la convention n’est alors pas « définitivement conclue ».

Afin de trancher définitivement cette question, la Cour de cassation (chambre commerciale) a posé une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), selon arrêt en date du 6 décembre 2016.

Dans son arrêt du 19 avril 2018, la CJUE a clairement décidé que le régime d’indemnisation de l’agent commercial en cas de cessation de son contrat s’applique également durant la période d’essai(8).

Par arrêt du 23 janvier 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence et validé la position de la CJUE(9), considérant que « les régimes d’indemnisation et de réparation que cet article prévoit [article 17 de la Directive 86/653/CEE], respectivement en ses paragraphes 2 et 3, encas de cessation du contrat d’agence commerciale, sont applicables lorsque cette cessation intervient au cours de la période d’essai que ce contrat stipule ».

6. Rémunération de l’Agent

L’agent peut percevoir une rémunération fixe ou à la commission assise sur le chiffre d’affaires généré - sachant que la commission est beaucoup plus largement répandue, puisque son montant est fonction des résultats atteints par l’agent.

En vertu de l’article L. 134-9 du Code de commerce, la commission est « acquise », dès que (i) le mandant a exécuté l’opération en cause (comme l’expédition des marchandises dans le cadre d’une vente) ou devrait l’avoir exécutée (selon les délais contractuellement prévus) ou (ii) le client a exécuté sa part de l’opération (paiement de l’opération). Elle est payée au plus tard « le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle était acquise ».

Cependant, le mandant peut exiger que le paiement de la commission, intervienne après le paiement effectué par le client.

Il est précisé que les juridictions considèrent que le défaut de paiement des commissions constitue une faute grave du mandant et qu’il justifie une résiliation du contrat à l’initiative de l’agent aux torts du mandant.

L’article L. 134-6 du Code de commerce prévoit que lorsque l’agent se voit confier un secteur géographique ou un groupe de personnes déterminé, il doit percevoir une commission « pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d’agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe », sauf stipulation contractuelle contraire.

En cas d’exclusivité territoriale stipulée au contrat, l’agent commercial bénéficie de commissions sur toutes opérations conclues dans son secteur, « qu’elles aient été ou non réalisées grâce à son intervention »(10); cela concerne donc « toute opération conclue pendant la durée du contrat avec une personne appartenant au secteur exclusif dont [l’agent] bénéficie »(11).

7. Cession du contrat d’agence

L’agent a toujours la faculté de céder son contrat à un tiers qui sera son successeur – disposition d’ordre public qui répute non écrite toute clause contraire – sous réserve d’un accord avec le mandant (cf. article L. 134-13 du Code de commerce), tout refus de ce dernier devant être objectivement justifié (exemples : insuffisance professionnelle, méconnaissance des produits du mandant…) et non arbitraire.

En cas de refus injustifié du mandant, celui-ci peut être condamné à verser l’indemnisation due à l’agent en cas de cessation de son contrat (telle que définie à l’article L. 134.12 du code précité), soit en pratique l’équivalent de deux ans de commissions, selon une jurisprudence établie, l’indemnité pouvant être inférieure, le cas échéant, lorsque la durée du contrat est inférieure à deux ans.

8. Droit applicable au contrat d’agence commerciale international

En vertu du principe d’autonomie de la volonté, les parties au contrat d’agence peuvent définir le droit applicable.

Cependant, cette liberté doit s’incliner devant les dispositions légales impératives relevant d’une loi de police, en l’occurrence celles régissant les modalités d’indemnisation de l’agent commercial en cas de cessation de son contrat.

Appelée à se prononcer sur une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive sur l du 18 décembre 1986, en présence d’un contrat international soumis par les parties au droit californien et liant un mandat à un agent exerçant au Royaume-Uni, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a très clairement rappelé dans son arrêt du 9 novembre 2000(12) que les articles 17 et 18 de la directive du 18 décembre 1986 relatifs au mécanisme d’indemnisation de l’agent commercial, en cas de cessation de son contrat, présentent un caractère impératif suivant les termes de l’article 19 de cette directive et qu’elles s’imposent dès lors « que la situation présente un lien étroit avec la communauté, notamment lorsque l’agent commercial exerce son activité sur le territoire d’un Etat membre, quelle que soit la loi à laquelle les parties ont entendu soumettre le contrat ».

Conformément à la Convention de La Haye du 14 mars 1978 pour tout contrat postérieur au 1er mai 1992, primeront les dispositions impératives de la loi de l’Etat membre dans lequel le contrat est exécuté, sachant que dans l’éventualité d’une exécution dans plusieurs Etats membres, il sera tenu compte du lieu de l’établissement principal ou de la résidence habituelle.

Si le juge saisi relève de l’un des Etats signataires de la Convention de Rome qui ne serait pas signataire de la convention précité de La Haye, la Convention de Rome du 14 mai 1980 sera applicable aux contrats antérieurs au 18 décembre 2009, les contrats postérieurs à cette date relevant du règlement Rome I du 17 juin 2008.

Dans les deux cas, les dispositions impératives des articles 17 et 18 devraient s’appliquer, à savoir ces dispositions telles que transposées dans la loi de l’Etat membre dans lequel est exercé l’activité de l’agent commercial.

Notes de bas de page :

1 - Cass. Com., 10 décembre 2003, pourvoi n°01-11923, Légifrance.

2 - CJUE, 4 juin 2020, affaire C-828/18 Trendsetteuse SARL c/ DCA SARL.

3 - Cass. Com., 2 décembre 2020, pourvoi n°18-20.231, Légifrance.

4 - Cass. Com, 12 mai 2021, pourvoi n°19-17.042, Légifrance.

5 - Cass. Com, 23 juin 2021, pourvoi n°18-24.039, Légifrance.

6 - Cass. Com, 16 juin 2021, pourvoi n°19-21.585, Légifrance.

7 - Cass. com., 23 juin 2015, pourvoi n°14-17.894, Légifrance.

8 - CJUE, 19 avril 2018, aff. C 645/16.

9 - Cass. Com, 23 janvier 2019, pourvoi n°15-14.212, Légifrance.

10 - Cass. Com., 24 novembre 1998, pourvoi n°96-21.925, Légifrance.

11 - Cass. Com., 5 octobre 2004, pourvoi n°02-17.231, Légifrance.

12 - CJUE,9 novembre 2000, 5e chambre, aff. C-381/98.