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Droits d’auteur Naissance – Titularité - Nature

Par

Sala-Martin Avocat - Octobre 2021

I. Naissance : expression et originalité

Les droits de propriété littéraire et artistique ou droits d’auteur ne s’appliquent pas aux idées qui ne sont pas protégeables en tant que telles (1), seule l’expression formelle de ces idées sous la forme d’une « œuvre de l’esprit » étant susceptible de bénéficier d’une protection.

Les œuvres de l’esprit peuvent être de toute nature, qu’il s’agisse notamment des œuvres artistiques (livres, peintures, sculptures, films, création de mode, traductions…), des œuvres à caractère technique ou scientifique, des logiciels ou des œuvres publicitaires (voir l’article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle - ci-après dénommé « CPI » - qui dresse une liste non exhaustive d’œuvres).

Le droit d’auteur est un « droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » et naît « du seul fait de la création de l’œuvre », comme le précise l’article L. 111-1 CPI, indépendamment de toute divulgation ou de toute formalité de dépôt (comme pour une marque ou un brevet) et ce quel que soit « le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination » de cette œuvre (art. L. 112-1 CPI).

Pour bénéficier de la protection du régime du droit d’auteur, l’œuvre doit être originale selon la jurisprudence, à savoir qu’elle doit comporter l’empreinte de la personnalité de son auteur.

II. Titularité du droit d’auteur

L’auteur peut revendiquer cette qualité sous réserve qu’il ait personnellement réalisé l’œuvre et non agi sous les directives d’un tiers ce qui serait contraire au libre-arbitre propre à la création. Il doit être une personne physique, à l’exception de l’œuvre collective qui peut être créée « sur l’initiative d’une personne morale » qui va la divulguer sous son nom (cf. voir ci-après).

Si l’œuvre est réalisée par plusieurs personnes, la détention du droit d’auteur sera déterminée selon les catégories définies à l’article L. 113–2 CPI:

«Est dite de collaboration l’œuvre la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques.

Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière.

Est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom est dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. »

Le droit d’auteur comprend plusieurs droits de propriété intellectuelle divisés en deux catégories, à savoir les droits patrimoniaux et le droit moral qui se compose lui-même de plusieurs droits.

III. Nature des droits

A. Droits patrimoniaux (ou droits économiques):

  • droit de reproduction : il s’agit de « la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte » (art. L. 122–3 CPI) ;

  • droit de représentation : il s’agit du droit de communication de l’œuvre au « public » (à savoir au-delà du cercle de famille), par quelque procédé que ce soit et notamment par voie de télécommunication, de communication électronique… ;

  • droit d’exploitation : il se compose du droit de reproduction et du droit de représentation précités ;

  • droit d’adaptation : il recouvre le droit de transformation, d’arranger, de traduire tout ou partie de l’œuvre aussi bien en diverses langues étrangères qu’en des formats techniques (langage informatique…) ;

  • droit de suite : il constitue un droit propre aux œuvres relevant des arts plastiques. Il permet à l’auteur d’une œuvre, telle un tableau, qui a fait l’objet d’une première cession auprès d’un acheteur, de bénéficier d’une partie du prix de cession un second acheteur, si la valeur de l’œuvre s’est accrue entre les deux cessions. Ce droit s’applique à toutes les cessions successives ;

  • droit de licencier/droit de cession: il correspond au droit de l’auteur de concéder ou de céder, à titre gratuit ou onéreux, tout ou partie de ses droits pour une durée déterminée pouvant atteindre la durée de validité de ces droits (parfois improprement dénommée « licence perpétuelle », étant précisé que tout engagement perpétuel est prohibé en droit français(2), aux termes de l’article 1210 du Code civil, alors que la « perpetual license » est reconnue en droit anglo-saxon). Selon l’article L. 131-3 CPI, la transmission des droits de l’auteur (par voie de licence ou de cession) n’est valable qu’à la condition de préciser (i) la nature de chaque droit concerné, (ii) l’étendue et la destination du domaine d’exploitation de ce droit (iii) la durée et le territoire d’exploitation de ce droit. A défaut, le transfert des droits est nul.

  • droit d’utilisation : quoique couramment employé, ce droit ne figure pas expressément parmi ceux cités dans le code de propriété intellectuelle et son contenu variera, en pratique, en fonction des droits précités qui seront effectivement cédés/concédés à l’utilisateur.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement les logiciels, il existe des droits propres, l’article L. 122-6 CPI disposant que le droit d’exploitation (qui recouvre le droit de représentation et le droit de reproduction) comprend le droit d’effectuer et d’autoriser:

« 1°/ la reproduction permanente ou provisoire d’un logiciel, en tout ou partie par tous moyens et sous toute forme »

Il est ajouté que requièrent l’accord de l’auteur « le chargement, l’affichage, l’exécution, la transmission ou le stockage » du logiciel, dès lors que ces actes nécessitent une « reproduction » ;

« 2°/ la traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute autre modification d’un logiciel et la reproduction du logiciel en résultant », et

« 3°/ la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit »
.

Il existe cependant des exceptions propres à ce droit d’auteur sur les logiciels, puisque l’article L. 112-6-1 CPI précise que ne sont pas soumis à l’autorisation de l’auteur, les actes visés aux 1° et 2° ci-dessus, « lorsqu’ils sont nécessaire pour permettre l’utilisation du logiciel, conformément à sa destination » par l’utilisateur, détenteur d’une licence ou cessionnaire de droits.

Cela étant dit, il est précisé que l’auteur peut se réserver par contrat de droit de « correction » et la détermination des modalités d’exécution des actes visés aux 1° et 2° de cet article L. 112-6-1.

De même, l’utilisateur ne peut réaliser une copie privée du logiciel, sachant qu’il a cependant le droit de réaliser une copie de sauvegarde, si celle-ci est nécessaire à l’utilisation, ce qui ne sera pas le cas si l’éditeur du logiciel la fournit.

Enfin, l’utilisateur autorisé du logiciel a le droit d’étudier et de tester le fonctionnement du logiciel afin de déterminer les « idées et principes qui sont à la base de n’importe quel élément de logiciel », et de procéder à la reproduction du code du logiciel nécessaire à l’interopérabilité avec d’autres logiciels.

En tout état de cause, l’article L. 112-6-1 précité énonce expressément que les droits consentis à l’utilisateur autorisé du logiciel ne peuvent être utilisés aux fins de « porter atteinte à l’exploitation normale du logiciel ou de causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur », toute stipulation contraire étant nulle et non avenue.

B. Droit moral:

Contrairement aux droits patrimoniaux évoqués ci-dessus, le droit moral a la particularité d’être « perpétuel, imprescriptible, inaliénable » (art. L. 121-1 CPI).

Il ne peut donc être cédé, y compris avec l’accord de l’auteur, et n’est pas susceptible d’arriver à expiration, puisqu’il n’a pas de terme et ne peut donc faire l’objet d’une prescription…sous deux réserves expresses : (i) faute d’héritiers, le droit moral ne sera plus exerçable après la mort de l’auteur et (ii) toute action judiciaire fondé sur un droit moral doit être exercée dans les 5 ans de la découverte de sa violation.

Ce droit moral comprend les éléments suivants :

  • le droit de divulgation : droit exclusif de l’auteur (visé quant à lui à l’article L. 121-2 CPI) qui décide seul du moment de la forme de la communication de son œuvre au public ;

  • le droit à la paternité : droit à la mention du nom, du titre et de la qualité de l’auteur d’une œuvre. La personne qui divulgue une œuvre bénéficie d’une présomption de paternité qui peut, le cas échéant, être remise en cause par le véritable auteur. L’auteur peut librement restreindre la portée de ce droit (œuvre écrite par un auteur et divulguée avec son accord par un tiers : pratique du « nègre » en littérature) ;

  • le droit au respect de l’intégrité de son œuvre : l’auteur peut s’opposer à toutes modifications de la forme de son œuvre (mutilations, adjonctions, déformations…) ou altérations à l’esprit de celle-ci (comme l’utilisation d’une musique pour illustrer une publicité ou une campagne électorale) ;

  • le droit de retrait et de repentir : il s’agit là encore d’un droit discrétionnaire de l’auteur qui peut décider de faire cesser l’exploitation de son œuvre, à charge pour lui d’indemniser son cocontractant (art. L. 121–4 CPI).

Ces droits d’ordre public peuvent être exercés par l’auteur de son vivant ou par ses héritiers après son décès et doivent naturellement être strictement respectés par tout exploitant de l’œuvre.

Notes de bas de page :

1 -« Les idées sont de libre parcours »

2 - Cela étant, le contrat perpétuel n’est plus frappé de nullité, mais est considéré comme un contrat à durée indéterminée qui peut valablement être résilié - sans justifier d’un quelconque motif, sauf abus du droit de rompre - sous réserve de respecter un délai de préavis « raisonnable » (cf. articles 1210 et 1211 du Code civil)