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Droits d’auteur : exceptions légales au monopole de l’auteur

Par

Sala-Martin Avocat - Octobre 2021

Toute utilisation non autorisée par le détenteur des droits d’une œuvre sera constitutive d’une contrefaçon, sous réserve des exceptions légales visées à l’article L. 122–5 du Code de la Propriété Intellectuelle (« CPI ») qui dispose que:

« Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire :

1° Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille ;

2° Les copies ou reproductions réalisées à partir d'une source licite et strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l'exception des copies des œuvres d'art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l'œuvre originale a été créée et des copies d'un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l'article L. 122-6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d'une base de données électronique ;

3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source :
a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées ;
b) Les revues de presse ;
c) La diffusion, même intégrale, par la voie de presse ou de télédiffusion, à titre d'information d'actualité, des discours destinés au public prononcés dans les assemblées politiques, administratives, judiciaires ou académiques, ainsi que dans les réunions publiques d'ordre politique et les cérémonies officielles ;
d) Les reproductions, intégrales ou partielles d'œuvres d'art graphiques ou plastiques destinées à figurer dans le catalogue d'une vente judiciaire effectuée en France pour les exemplaires mis à la disposition du public avant la vente dans le seul but de décrire les œuvres d'art mises en vente ;
e) La représentation ou la reproduction d'extraits d'œuvres, sous réserve des œuvres conçues à des fins pédagogiques et des partitions de musique, à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, y compris pour l'élaboration et la diffusion de sujets d'examens ou de concours organisés dans la prolongation des enseignements à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, dès lors que cette représentation ou cette reproduction est destinée, notamment au moyen d'un espace numérique de travail, à un public composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants ou de chercheurs directement concernés par l'acte d'enseignement, de formation ou l'activité de recherche nécessitant cette représentation ou cette reproduction, qu'elle ne fait l'objet d'aucune publication ou diffusion à un tiers au public ainsi constitué, que l'utilisation de cette représentation ou cette reproduction ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu'elle est compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l'article L. 122-10 ;

4° La parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ;

5° Les actes nécessaires à l'accès au contenu d'une base de données électronique pour les besoins et dans les limites de l'utilisation prévue par contrat ;

6° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu'elle est une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique et qu'elle a pour unique objet de permettre l'utilisation licite de l'œuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d'un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire qui ne peut porter que sur des œuvres autres que les logiciels et les bases de données ne doit pas avoir de valeur économique propre ;

7° Dans les conditions prévues aux articles L. 122-5-1 et L. 122-5-2, la reproduction et la représentation par des personnes morales et par les établissements ouverts au public, tels que les bibliothèques, les archives, les centres de documentation et les espaces culturels multimédia, en vue d'une consultation strictement personnelle de l'œuvre par des personnes atteintes d'une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques et empêchées, du fait de ces déficiences, d'accéder à l'œuvre dans la forme sous laquelle l'auteur la rend disponible au public ;

Ces personnes empêchées peuvent également, en vue d'une consultation strictement personnelle de l'œuvre, réaliser, par elles-mêmes ou par l'intermédiaire d'une personne physique agissant en leur nom, des actes de reproduction et de représentation ;

8° La reproduction d'une œuvre et sa représentation effectuées à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de sa consultation à des fins de recherche ou d'études privées par des particuliers, dans les locaux de l'établissement et sur des terminaux dédiés par des bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d'archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial ;

9° La reproduction ou la représentation, intégrale ou partielle, d'une œuvre d'art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, dans un but exclusif d'information immédiate et en relation directe avec cette dernière, sous réserve d'indiquer clairement le nom de l'auteur.
Le premier alinéa du présent 9° ne s'applique pas aux œuvres, notamment photographiques ou d'illustration, qui visent elles-mêmes à rendre compte de l'information ;
10° Les copies ou reproductions numériques réalisées à partir d'une source licite, en vue de l'exploration de textes et de données incluses ou associées aux écrits scientifiques pour les besoins de la recherche publique, à l'exclusion de toute finalité commerciale. Un décret fixe les conditions dans lesquelles l'exploration des textes et des données est mise en œuvre, ainsi que les modalités de conservation et de communication des fichiers produits au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites ; ces fichiers constituent des données de la recherche ;

11° Les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques, à l'exclusion de tout usage à caractère commercial.
Les reproductions ou représentations qui, notamment par leur nombre ou leur format, ne seraient pas en stricte proportion avec le but exclusif d'information immédiate poursuivi ou qui ne seraient pas en relation directe avec cette dernière donnent lieu à rémunération des auteurs sur la base des accords ou tarifs en vigueur dans les secteurs professionnels concernés.
Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.
Les modalités d'application du présent article, notamment les caractéristiques et les conditions de distribution des documents mentionnés au d du 3°, sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »

En substance, lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire :

  • la représentation au sein du « cercle de famille » : à savoir que la diffusion d’un film ou d’une œuvre musicale n’exige pas l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit, dès lors qu’elle est (i) gratuite, et (ii) effectuée au bénéfice d’un cercle restreint communément dénommé le « cercle de famille » qui regroupe les membres de la famille de la personne qui organise la diffusion et/ou des tiers avec lesquels cette personne a des liens d’amitié ;

  • la « copie privée » : c’est la copie strictement réservée à l’usage de la personne qui a fait la copie et non à une utilisation collective (sera ainsi autorisée la copie d’un CD ou d’un DVD acheté ou offert au « copiste », afin de réaliser un fichier numérique qui sera lisible sur une tablette numérique ou sur un ordinateur ; en revanche, il ne sera pas possible de copier ce DVD ou ce CD pour le diffuser ensuite sur Internet) ;

  • les « analyses et courtes citations », « revue de presse » et « discours publics » : à charge pour l’utilisateur de préciser qu’il s’agit d’une citation, d’en spécifier la source et le nom de l’auteur. Cette exception n’est pas applicable aux œuvres d’art qui ne sont pas démembrables (peinture, sculpture, photographie…), sauf pour les œuvres d’art graphiques ou plastiques figurant dans le catalogue dune vente judiciaire ;

  • la reproduction et/ou de représentation à des fins pédagogiques : cette exception s’appliquera aux extraits d’œuvres diffusés « dans le cadre de l’enseignement et de la recherche » ;

  • la « parodies, pastiche ou caricature » : elle doit respecter un relatif équilibre entre les droits d’auteur et la liberté d’expression, sachant que l’œuvre parodiée, pastichée ou caricaturée doit clairement se différencier de l’œuvre originale et attester d’une démarche humoristique ;

  • la reproduction d’une œuvre graphique, plastique ou architecturale à des fins d’information : le droit à l’information permet de reproduire, totalement ou partiellement, une œuvre d'art graphique, plastique ou architecturale, tout en s’affranchissant de l’autorisation de l’auteur, sous réserve qu’elle soit proportionnée au « but exclusif d’information immédiate ».

En complément des exceptions évoquées ci-dessus, l’article L. 122-5 du CPI vise également (i) les « actes nécessaires à l’accès à une base de données » (5°), (ii) la reproduction « provisoire, transitoire et accessoire », si elle est partie intégrante d’un procédé technique, afin de permettre l’utilisation d’une œuvre qui ne pourra être un logiciel ou une base de données (6°), (iii) la reproduction/représentation d’œuvres en faveur d’un public handicapé, à des fins non lucratives (7°), (iv) la reproduction/représentation d’œuvres des fins de conservation par des musées ou services d’archives (8°), (v) la copie ou reproduction numérique de textes et données incluses ou associées à des écrits scientifiques, pour les besoins de la recherche publique (10°) et (vi) la reproduction/reproduction par une personne physique, à des fins non commerciales, d’œuvres architecturales et sculptures placées sur la voie publique (11°).

Les exceptions posées au monopole légal du droit d’auteur ont pour objet de concilier ce droit et l’intérêt public, mais ces exceptions ne sont pas inconditionnelles, puisqu’en effet il est précisé à l’article L. 122-5 CPI que « Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. ».

Ce principe correspond au « triple test » qui sera appliqué pour vérifier qu’il peut être dérogé au monopole du droit d’auteur, à savoir que cela ne pourra survenir (1) qu’en présence de cas précis d’exercice de droits patrimoniaux définis, sous réserve (2) qu’il ne soit pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et (3) qu’il ne soit pas causé un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.